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Réflexions sur l'impact des mesures techniques de protection des oeuvres
Bulletin Lamy Droit de l'informatique et des réseaux, n°162, octobre 2003
Guillaume GOMIS

Première publication : octobre 2003.
Article reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Les traités OMPI du 20 décembre 1996, la directive DADVSI du 22 mai 2001 [1] ou encore le Digital Millenium Copyright Act de 1998 [2] aux Etats Unis, ont adjoint au droit d’auteur un nouvel appui : les mesures techniques de protection des œuvres. Celles-ci étaient déjà utilisées en pratique par les acteurs du secteur du logiciel, mais n’ont reçu de consécration et de protection juridique qu’il y a peu par le biais de ces textes.

Désormais une œuvre pourra faire l’objet d’un triple niveau de protection :

• Le premier est celui classiquement accordé par le droit d’auteur.

• Le deuxième niveau de protection est offert par la mesure technique qui vient, dans les faits, assurer l’effectivité du droit d’auteur.

• Le dernier est constitué par la protection juridique accordée aux mesures techniques. Le droit intervient à ce titre pour sanctionner la violation des mesures techniques.

D’emblée, il peut se dégager de cette protection stratifiée un sentiment de sur-réservation des œuvres. Mais ce dispositif était nécessaire pour inciter les industries culturelles à développer de nouvelles formes d’utilisation des œuvres. Il devrait les rassurer en cette période où elles s’estiment victimes des actes de certains internautes qui profitent, eux aussi, de l’évolution technique pour développer de nouvelles formes de contrefaçon tels que les réseaux de peer-to-peer de type Napster ou, dernièrement, Kazaa.

Ainsi, les mesures techniques de protection des œuvres permettent et accompagnent les nouvelles formes d’utilisation des œuvres telles que le téléchargement, l’abonnement en ligne à diverses bases de données, le jeu en ligne, ou plus récemment le paiement à la séance qui permet de voir un film, d’écouter une chanson en streaming sur son ordinateur.

A l’heure où le projet de loi [3] de transposition de la directive du 22 mai 2001, qui introduira les mesures techniques en droit français, devrait être enfin présenté au Parlement, il est intéressant de se pencher sur les évolutions qu’elles pourraient induire [4]. De telles réflexions pourraient paraître précoces compte tenu du manque d’efficacité que l’on reproche à ces dispositifs [5], néanmoins les textes les protégeant existent et il convient de les examiner.

L’impact des mesures techniques pourrait être double. De manière directe, elles créent une évolution affectant la consommation des œuvres qui voit naître de nouvelles figures (I). Indirectement, par le biais de la protection juridique qui leur est accordée, elles risquent de conférer au titulaire de droits d’auteur qui diffuse une œuvre en recourant aux mesures techniques, de nouvelles prérogatives débordant du cadre du droit d’auteur (II).

I. L’évolution de la consommation des œuvres

Dans les années à venir, grâce à la technique, les industries culturelles s’orienteront peut-être vers un nouveau modèle économique d’utilisation des œuvres. Avec le développement des réseaux vont se multiplier les systèmes d’abonnement à des bibliothèques, vidéothèques et discothèques en ligne. Il est possible qu’à long terme on délaisse le système actuel d’achat d’un exemplaire d’une œuvre pour un système de paiement à l’utilisation d’une œuvre (A). Dans une telle économie des biens culturels, la licence d’utilisation de l’œuvre occuperait une place prépondérante (B).

A. Le passage de la détention d’une copie de l’œuvre à l’usage de l’œuvre

Avec le progrès technique il est probable que les fournisseurs d’œuvres souhaitent développer une économie de l’usage (1) où les prérogatives des consommateurs seraient sujettes à de profonds remaniements (2).

1. L’émergence d’une économie de l’usage

La technique, centre de tous les débats, provoquera peut-être un changement profond dans la consommation des œuvres. Elle devrait permettre une rémunération de l’auteur proportionnelle à l’usage de son œuvre, ainsi qu’une « facturation » de l’utilisateur au plus près de sa consommation réelle de l’œuvre.

En effet, si actuellement une personne achète un support contenant l’exemplaire d’une œuvre permettant un nombre indéterminé d’utilisations de celle-ci, elle en paie implicitement le prix. Elle acquitte un prix correspondant à cet usage illimité.

Dans le monde numérique, il est possible que le consommateur ne paie plus pour acquérir le support d’une œuvre permettant une consultation indéfinie de celle-ci, mais pour utiliser l’œuvre une ou plusieurs fois. On ne paierait plus pour acheter un exemplaire d’une œuvre mais pour lire un livre, visionner un film ou écouter une œuvre musicale selon les conditions contractuelles du diffuseur de l’œuvre ; ce que le professeur Ginsburg a pu résumer dans la formule « from having copies to experiencing works » [6].

Ainsi se développerait une économie de l’usage où l’acquisition d’un support serait remplacée par le paiement à l’écoute ou au visionnage. Ce phénomène ne serait que le corollaire du développement du nouveau modèle économique décrit par Jeremy Rifkin [7] selon lequel la propriété serait supplantée par le service. Suivant cette mouvance, les industriels tenteraient de pénétrer la sphère culturelle afin d’y trouver de nouvelles sources de revenus en cherchant à créer une société du paiement à l’expérience [8] (pay per experience) ou paiement à l’usage (pay per use).

Des signes de cette volonté apparaissent déjà : sur Internet il est possible de payer pour voir un film [9] ou écouter une chanson [10].

Ce nouveau modèle économique de consommation des œuvres, où chaque utilisation d’une œuvre entraînerait un paiement [11], aurait pour appui juridique un nouveau droit : le droit d’utilisation d’une œuvre. Celui-ci permettrait au diffuseur d’une œuvre de faire payer le consommateur pour chaque utilisation de l’œuvre. S’agit-il d’un bouleversement ou de la simple extension d’une figure déjà connue avec le logiciel ?

Si l’on peut opter pour la seconde acception, certains industriels n’ont pas hésité à faire la publicité d’une nouvelle prérogative : le droit d’utilisation. Selon eux [12], ce droit serait un nouvel outil qui répondrait parfaitement aux nécessités du monde numérique par opposition au droit d’auteur qui ne serait adapté qu’au monde de l’imprimé.

Le droit d’utilisation, engendré par l’union entre le contrat et le dispositif technique, serait un outil « proactif » permettant de faire payer à l’usage et d’éviter tout risque de piraterie. Les mesures techniques offriraient un large éventail de tarification pour l’usager et seraient le vaccin protégeant les droits du diffuseur. A l’inverse, le droit d’auteur ne serait qu’un outil réactif ne permettant qu’une sanction a posteriori des contrefaçons des utilisateurs d’une œuvre. De plus, il implique le paiement d’un prix élevé pour acquérir un bien physique contenant un exemplaire de l’œuvre utilisable indéfiniment. Il y aurait donc un fossé entre le droit d’utilisation, créé par le couple mesure technique-contrat, et le « vieux » droit d’auteur. Selon ce raisonnement le numérique devrait délaisser le second pour le premier. La mort du droit d’auteur serait à envisager…

Les contradictions opposables à cette vision des choses sont légion [13] : adaptabilité du droit d’auteur au numérique, inféodation du droit d’utilisation à la détention préalable des droits d’auteur portant sur l’œuvre exploitée, limitation du droit d’usage aux seules parties au contrat, déplacement du problème des sanctions de la violation du droit d’auteur à celui de la violation des mesures techniques… Toutefois la volonté des industriels semble là : le passage d’une économie culturelle de détention d’exemplaires d’une œuvre à celle d’utilisation de l’œuvre.

Plus raisonnablement on dira qu’ils souhaitent développer un nouveau mode de consommation des œuvres, le paiement à l’usage, parmi d’autres. Le temps nous dira si la technique permettra de sécuriser de manière efficace cette économie de l’usage et si le public acceptera de basculer de la détention d’une copie d’une œuvre au paiement à l’usage.

2. L’incidence sur les « prérogatives » du public

Traditionnellement, dans la sphère privée de son foyer, le public peut utiliser librement une œuvre sous la réserve principale du respect des droits moraux de l’auteur. En effet, les droits patrimoniaux de l’auteur s’effacent partiellement devant la vie privée du public autorisé à effectuer des copies et des représentations privées [14]. Avec un système de paiement à l’usage les exceptions au droit d’auteur, qui finalement constituent les « prérogatives » du public [15], feront probablement l’objet d’un amenuisement ou d’un retrait par contrat.

Par exemple, si un diffuseur permet à une personne de visionner un film en paiement à la demande, il est probable qu’il lui retirera par contrat, soutenu par une mesure technique, le bénéfice de la copie privée [16]. S’il fonde sa rémunération sur le paiement à la séance, il ne saurait raisonnablement maintenir la copie privée numérique qui permet une consultation indéfinie d’une œuvre. C’est pourquoi, un mouvement de contractualisation des exceptions au droit d’auteur aura lieu. Il est d’ailleurs clairement amorcé par la directive DADVSI dans l’articulation qu’elle prévoit entre les mesures techniques et les exceptions au droit d’auteur.

Actuellement, du fait de l’absence de mesures techniques intelligentes capables de permettre un exercice normal des exceptions, le titulaire de droits est face à l’alternative suivante : soit il verrouille son œuvre et empêche le jeu des exceptions, soit il la laisse « libre » et il s’expose alors aux risques de piratage. La directive lui laisse dans un premier temps le choix : c’est à lui de garantir l’exercice des exceptions aux personnes qui en bénéficient. Néanmoins s’il ne permet pas l’exercice des exceptions, l’article 6.4 du texte communautaire prévoit que l’Etat devra intervenir pour en permettre certaines dites d’intérêt général [17] (al.1) et pourra intervenir en faveur de la copie privée (al.2) [18].

Ainsi, la logique régissant les exceptions au droit d’auteur change. Actuellement, si un membre du public souhaite exercer une exception de la liste de l’article L122-5 CPI, il le fait librement. Cet exercice sera contrôlé a posteriori par le juge saisi par l’ayant droit. Le système mis en place par la directive est inverse : dans un premier temps c’est le titulaire de droit qui, en verrouillant l’œuvre dont il possède les droits, contrôlera a priori l’exercice de l’exception en le permettant ou non.

Reste qu’un élément important donne à cette contractualisation des exceptions des bases mouvantes: l’intervention de l’Etat qui doit garantir au public l’exercice de certaines exceptions. Toutefois, sur les réseaux et lors de la communication d’une œuvre à la demande du consommateur au lieu et au temps de son choix, vidéo à la demande par exemple, les exceptions sont laissées à la seule discrétion du diffuseur de l’œuvre puisque l’article 6.4 alinéa 4 énonce que : « Les dispositions des premier et deuxième alinéas [prévoyant l’intervention de l’Etat en faveur de l’exercice des exceptions] ne s’appliquent pas aux œuvres ou autres objets protégés qui sont mis à disposition du public à la demande selon les dispositions contractuelles convenues entre les parties de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. » [19]

A l’occasion de la diffusion des œuvres à la demande [20], le titulaire des droits d’auteur sera donc capable de contrôler les modalités d’utilisation de l’œuvre et le sort des exceptions aux droits d’auteur, selon les termes qu’il aura fixé dans la licence d’usage de l’œuvre.

B. La licence d’usage de l’œuvre

Dans l’économie de l’usage, elle deviendrait un outil privilégié. C’est pourquoi il convient d’examiner sa nature (1) mais aussi ses effets (2).

1. Nature de la licence

On a fait remarquer au sujet des e-books que les contrats de mise à disposition de ces œuvres à l’utilisateur final pourraient se transformer en véritable licence d’utilisation, voire des licences de lecture [21] . Cette observation mériterait d’être étendue à toutes les œuvres numérisées qu’elles soient logicielles, bases de données, ou audiovisuelles.

Bien que l’on utilise le terme de licence, il ne s’agit pas d’une licence de propriété intellectuelle telle qu’on l’entend classiquement puisque le consommateur n’acquiert aucun droit d’exploitation de l’œuvre. Aucun droit intellectuel ne lui est concédé. Il s’agit en fait d’une restriction contractuelle d’usage de l’œuvre comme il en existe en matière de progiciel.

Par contrat, le titulaire des droits d’auteur construira le modèle désiré d’utilisation de l’œuvre qu’il commercialise. Pour ce faire, il est probable qu’il retirera au consommateur le bénéfice de certaines exceptions. Par exemple, s’il diffuse en streaming un film en paiement à la séance, il demandera au public de renoncer au bénéfice de la copie privée [22] . Ainsi, moyennant la perte consentie de ses prérogatives, le consommateur se verra accorder un droit d’utiliser l’œuvre à titre privé pour un usage déterminé par contrat : sur un nombre limité de machine, pour un temps limité…Cette logique semble radicalement nouvelle et bouleverser la consommation des œuvres, néanmoins elle ne constitue que l’extension de modèles déjà connus avec le logiciel et la base de données.

Les questions soulevées par la nature de l’opération par laquelle le titulaire de droits d’auteur permet un usage de l’œuvre sont les mêmes que celles posées par la licence d’utilisation d’un logiciel.

La vente et la location ne lui sont pas applicables car l’utilisateur n’acquiert aucun droit de propriété intellectuelle sur l’œuvre qui lui est communiquée. Le contrat d’entreprise, « bonne à tout faire » [23] du droit des contrats qui, à ce titre, serait susceptible de recevoir ce nouveau montage contractuel ne convient pas non plus. Certes, le titulaire des droits sur l’œuvre s’engage à mettre une oeuvre à disposition de son client pour un nombre limité d’usages mais il ne lui fournit aucun travail spécifique [24]. Il ne fait que lui proposer un service standardisé qu’il offre à des millions d’autres individus.

Le dernier refuge s’incarne alors dans le contrat innommé, capable de tout accueillir mais qui satisfait peu le juriste en mal de qualification rigoureuse. Cependant l’esprit reste proche de celui du contrat d’entreprise : il s’agit d’une prestation de service.

2. Effets de la licence

La licence d’usage d’une œuvre conclue entre un individu et le titulaire d’un droit d’auteur n’a d’effet qu’entre ces deux parties et ne saurait être opposable aux tiers. Les mesures techniques venant l’encadrer ne servent qu’à assurer une force contraignante nouvelle au dispositif contractuel, et leur violation n’engagerait que la responsabilité contractuelle de l’utilisateur de l’œuvre. Selon le professeur André Lucas, le droit d’auteur face à la combinaison [contrat + mesures techniques] ne perdrait nullement de sa pertinence car il possède l’opposabilité erga omnes que le contrat n’a pas. La mort du droit d’auteur sacrifié sur l’autel des mesures techniques n’aura pas lieu car le droit d’auteur va au-delà du contrat : il s’impose à tous [25].

En conséquence, l’individu primus qui achèterait un CD-Rom pourrait, contractuellement et techniquement, se voir interdire la copie privée [26]. En revanche, secundus qui effectuerait une copie du CD communiqué par primus n’a rien à craindre du dispositif contrat-mesure technique car le contrat primus-diffuseur ne lui est pas opposable. Le contournement de la mesure technique empêchant la copie par secundus ne serait pas sanctionnable s’il bénéficie dans sa législation de la limitation au droit d’auteur pour copie privée, comme la prévoit par exemple la loi française [27]. Néanmoins, il sera interdit à secundus de prêter sa copie à d’autres individus car il doit la réserver à son usage personnel. Le droit d’auteur permet de conjurer le risque de dissémination de la copie.

Cependant, du fait de l’adoption de la directive DADVSI, cette argumentation semble remise en cause. En effet, le contrat, s’il est renforcé par des mesures techniques de protection, se voit accorder un début d’opposabilité aux tiers grâce à l’interdiction de violation de ces dispositifs sécurisant le contrat. Cela parce que, la combinaison des articles 6.1 et 6.3 du texte communautaire réprime toute atteinte volontaire portée à un dispositif technique venant empêcher les actes non autorisés par le titulaire de droit d’auteur [28].

Ainsi, si l’on reprend l’exemple précédemment évoqué, secundus, en détournant sciemment les mesures techniques empêchant la copie, serait sanctionnable [29]. Non pas sur le terrain du droit d’auteur « classique », qui lui permettrait d’exercer l’exception de copie privée dont il bénéficie puisqu’il n’est pas partie au contrat primus-diffuseur, mais sur le fondement de la protection des mesures techniques. Le titulaire des droits d’auteur ayant protégé efficacement l’œuvre contre la copie, la violation en connaissance de cause de cette protection est condamnable. Peu importe que secundus ne soit pas partie au contrat ni même qu’il bénéficie d’une exception au droit d’auteur. Si secundus veut copier une œuvre techniquement verrouillée, il devra attendre l’intervention providentielle et facultative de l’Etat [30].

Ce système ne trouve de limite que dans le fait que la protection technique doive être efficace et que le contournement de la mesure soit volontaire.

Le recours aux mesures techniques permet donc de conférer au contrat de licence d’usage d’une œuvre un début de droit opposable aux tiers, qui va au-delà de ce qu’offre le droit d’auteur. La sur-réservation des oeuvres que l’on a évoquée en introduction est potentiellement présente dans la directive DADVSI. A ce titre, il convient d’examiner quelles seraient les nouvelles prérogatives du titulaire de droits d’auteur, droits voisins ou droit sui generis du producteur de base de données.

II. L’évolution des prérogatives du titulaire des droits d’auteur

Classiquement, les droits de l’auteur lui permettent de contrôler la représentation publique de son œuvre ainsi que sa reproduction en vue de sa dissémination dans le public. Malgré l’existence du droit de destination, sur lequel on reviendra, et de ses droits moraux, l’auteur ne peut contrôler l’utilisation privée d’une copie de l’œuvre.

Cependant, la protection juridique des mesures techniques paraît accorder de nouvelles prérogatives au titulaire du droit d’auteur lui permettant de finaliser l’utilisation d’un exemplaire d’une œuvre (A). On tentera de rechercher les fondements de telles facultés (B).

A. La protection juridique des outils techniques protégeant l’ œuvre

On procèdera à une brève présentation des législations américaine (1) et européenne (2) qui toutes deux prohibent des actes différents et risquent de créer des droits différents.

1. Aux Etats Unis : La création d’un droit d’accès

En 1998, le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) a introduit la protection juridique des mesures techniques dans la loi américaine sur le droit d’auteur. Schématiquement la nouvelle section 1201 du Copyright Act prohibe trois types d’actes [31] :

• la violation des mesures de protection qui contrôlent l’accès aux œuvres protégées ;

• La fabrication, la distribution, la mise à disposition et plus largement la commercialisation de dispositifs ou services qui neutralisent les systèmes de contrôle d’accès ;

• La fabrication, la distribution, la mise à disposition et plus largement la commercialisation

de dispositifs ou services qui neutralisent une mesure technique protégeant efficacement un droit reconnu au titulaire du droit d’auteur.

De ces dispositions serait né un droit d’accès profitant au titulaire de droits d’auteur. Grâce à ce pouvoir de contrôle de l’accès, le diffuseur d’une œuvre commencerait à bénéficier d’un pouvoir de contrôle de l’utilisation de l’œuvre par le consommateur. En effet, chaque fois que le consommateur voudra utiliser une œuvre, en ligne ou contenue sur un support numérique, il devra demander au diffuseur l’autorisation d’accéder au contenu de l’œuvre. Chaque acte d’utilisation de l’œuvre, écoute ou lecture, devient un acte d’accès [32] contrôlé par le titulaire des droits de l’œuvre. 

Ce droit nouveau a pu être qualifié de reine des prérogatives du droit d’auteur [33] tant sa force risque d’en bouleverser le paysage en créant une société du pay-per-use [34]. Ceci parce que traditionnellement, malgré ses droits moraux et son droit de destination, le pouvoir de l’auteur sur l’exemplaire d’une œuvre recule face à la vie privée du consommateur et à ses droits de propriétaire du support contenant l’exemplaire.

Cependant, il faut noter que cette prérogative n’est pas issue du droit d’auteur mais du recours aux mesures techniques. Ce sont elles qui, indirectement, par la protection juridique qui leur est accordée, créent un droit de contrôler l’accès à une œuvre. Mais même si ces prérogatives n’émanent pas du droit d’auteur, elles déborderont sur les concessions accordées au public qui, lui, fera difficilement le départ entre ce qui relève du droit d’auteur et de la protection des mesures techniques. Pour lui les choses seront identiques et entraîneront un recul du fair use dont l’exercice est bien compromis [35].

2. En Europe : la possible naissance d’un droit d’utilisation ?

L’article 6 de la directive DADVSI qui traite de la protection juridique des mesures techniques prévoit, comme le DMCA, une sanction des actes dits préparatoires consistant en la commercialisation d’appareils permettant de contourner les protections techniques [36].

Le bénéficiaire européen d’exceptions, comme son homologue américain, se trouve sans clé ni serrurier pour ouvrir la porte de la pièce contenant l’œuvre afin d’exercer son exception.

En revanche, la méthode utilisée pour sanctionner le contournement des mesures techniques est d’inspiration différente car ce n’est pas l’accès à l’œuvre qui est protégé, mais l’utilisation qui doit être faite de l’œuvre. La directive sanctionne le contournement, effectué sciemment, des mesures interdisant les actes non autorisés par le titulaire de droits d’auteur, de droits voisins ou du droit sui generis de base de données.

Ainsi, la prérogative reconnue au titulaire de droits [37] européen est à la fois plus large et plus étroite que celle accordée au titulaire de droits américain.

Plus large, car sont interdits tous les actes non autorisés par le titulaire de droits. La directive va donc au-delà d’un droit d’accès et consacre un droit de contrôler l’utilisation [38] que fait le public d’une œuvre. Il s’agirait donc d’un droit d’utilisation.

Plus étroite, car seule est sanctionnée l’atteinte volontaire à une mesure efficace [39]. Le contournement d’une mesure technique inefficace et/ou le contournement involontaire ne seront pas réprimés. De plus, l’article 6.4 de la directive DADVSI qui prévoit l’intervention des Etats afin de garantir certaines exceptions vient affaiblir cette nouvelle prérogative. Reste que cette intervention n’est pas prévue en matière d’ « œuvres ou autres objets protégés qui sont mis à la disposition du public à la demande selon les dispositions contractuelles convenues entre les parties de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement ».

En conséquence, s’il est permis de douter de l’affirmation d’un droit d’utilisation général, applicable à tout type d’exemplaire et d’usage d’une oeuvre, l’existence de ce droit est concevable en matière de communication d’œuvres en ligne à la demande tels que la vidéo ou chanson à la demande, le jeu en réseau, le téléchargement d’une œuvre…

Les mesures techniques, par leur protection juridique, tendent à créer de nouvelles prérogatives au profit du titulaire de droits d’auteur et qui pourtant ne semblent pas être du droit d’auteur. A ce titre, leur fondement doit être abordé.

B. Les fondements des nouvelles prérogatives juridiques du titulaire de droits d’auteur

Le fondement des nouvelles prérogatives du titulaire de droits réside dans la protection juridique des mesures techniques. Mais au-delà de cette première analyse, il faut rechercher ce que veulent protéger ces nouvelles prérogatives (1) et si un fondement de droit d’auteur peut les justifier (2).

1. La protection d’un service

Le titulaire de droits qui diffuse une œuvre en recourant à des dispositifs techniques, commence à se voir reconnaître de nouvelles prérogatives : droit d’accès ou droit d’utilisation qui lui permettront de contrôler de manière inédite l’usage que fait le public de l’œuvre. Ces nouveaux attributs soulèvent de nouvelles questions : en protégeant l’accès que protège-t-on ? que créé-t-on ? un nouveau droit de l’auteur, un nouveau droit du diffuseur?

Une partie de la doctrine, animée par Séverine Dusollier, estime que le droit d’accès est une question indépendante du droit d’auteur qui « ne règle pas à première vue la question de l’accès à l’information » [40]. Selon cet auteur, l’œuvre est un bien alors que sa mise à disposition électronique relève de la qualification de service. Aussi ne faut-il pas confondre entre la protection du contrat de diffusion de l’œuvre et la protection de l’œuvre. Or, instaurer une protection de l’accès par le biais des mesures techniques dans le cadre du droit d’auteur procèderait d’une confusion entre l’objet du droit d’auteur et la commercialisation de cet objet [41].

Ces observations viennent corroborer la qualification que l’on a tenté de dégager pour la licence d’utilisation de l’œuvre. Certes, le contrat d’entreprise ne s’applique pas à cette licence, mais l’idée reste celle d’une prestation de service : la mise à disposition d’une œuvre à un consommateur pour un usage donné. Le droit d’accès et le droit de contrôler l’utilisation de l’œuvre ne relèvent donc pas du droit d’auteur. Ils ne font que découler de la protection juridique accordée aux mesures techniques venant sécuriser un contrat de prestation de service.

Le droit d’auteur est le préalable nécessaire à la diffusion de l’œuvre. La diffusion de l’œuvre fait ensuite l’objet d’un contrat de service, et les mesures techniques sont là pour faire coller les faits à la loi de ce contrat. Plus que l’œuvre et les droits qui y sont afférents, elles visent à protéger la volonté contractuelle du diffuseur, laquelle peut passer outre les exceptions au droit d’auteur. En tout cas lors des services à la demande pour lesquels on assiste à un retour du droit exclusif.

Cette volonté de protection du service n’est pas nouvelle. La directive du 20 novembre 1998 sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel protégeait déjà la mise à disposition d’une œuvre au public [42]. Ainsi, prohibait-elle en son article 4 les activités préparatoires au contournement des mesures techniques protégeant l’accès à une œuvre. Elle ne s’intéressait pas au contournement de l’accès lui-même mais aux seuls actes préparatoires. Ceci aurait pu être suffisant puisque le consommateur, sans serrurier pour lui donner de clef d’accès à l’œuvre, se voyait dans l’impossibilité d’accéder à une œuvre afin d’exercer son exception. Néanmoins, la directive DADVSI a estimé que l’utilisateur aurait pu détourner lui-même, sans aide extérieure, la barrière lui bloquant l’accès à l’œuvre. Elle décide alors d’aller plus loin et d’interdire tous les actes non autorisés par les titulaires de droits d’auteur, voisins et sui generis. Elle passe outre les exceptions octroyées au public qui, dans un premier temps, ne joueront que si les titulaires de droits les autorisent. Si elles ne le sont pas, il ne restera au public qu’à attendre sagement l’action de l’Etat qui devra permettre leur exercice [43].

2. La recherche d’un fondement de droit d’auteur

Le droit d’auteur accorde-t-il un droit de contrôler l’utilisation de l’œuvre ? De prime abord, le droit de communication au public et le droit de reproduction ne semblent pas pouvoir le satisfaire, et cela malgré leur large définition qui leur permet d’appréhender toute communication de l’œuvre au public ainsi que toute reproduction temporaire ou permanente d’une oeuvre.

Le droit de location n’offrirait pas, non plus, de contrôle de l’usage en matière de transmission d’œuvre en ligne, dans la mesure où la restitution de la chose prêtée par streaming ou téléchargement est impossible.

Il faudrait alors se tourner vers le droit de destination qui permet à l’auteur de déterminer les modalités de la mise en circulation et de l’utilisation des exemplaires de l’œuvre dont il a préalablement autorisé la reproduction [44]. Néanmoins ce droit ne porterait que sur les exemplaires matériels d’une œuvre dont la première mise sur le marché épuise les droits de l’auteur. Cette théorie apparaît donc sans intérêt, sauf si l’on cherche à l’affranchir de l’exemplaire matériel et à l’étendre à toute sorte d’exemplaire. Une telle tentative, hardie [45], ne relève pas de notre étude.

Enfin, une autre voie mériterait d’être explorée : celle du droit des biens. Il serait possible de justifier l’existence de nouvelles prérogatives de l’auteur en procédant par déconstruction de celles du propriétaire de l’exemplaire matériel de l’œuvre. En effet, l’article L111- 3 C.P.I. prévoit que la propriété du support est indépendante de celle des droits sur l’œuvre. Le propriétaire du support ne saurait prétendre jouir des droits d’exploitation pesant sur l’œuvre, mais l’auteur ne peut pas l’empêcher d’user du support selon son bon vouloir car il en est propriétaire. Bien sûr cette propriété est limitée par les droits moraux de l’auteur.

Que se passe-t-il quand le support physique de l’œuvre disparaît ? Le consommateur possède-t-il un droit de propriété sur l’exemplaire immatériel de l’œuvre ? Le fichier MP3 ? Une réponse positive serait envisageable [46]. Néanmoins, deux arguments lui sont opposables.

Le premier est que le droit des biens n’appréhende classiquement que des choses corporelles, et des droits, mais non des choses incorporelles tels que des exemplaires immatériels d’œuvres. Les biens incorporels s’entendent des droits d’exploitation portant sur une œuvre et non de l’exemplaire incorporel de l’œuvre [47]. L’exemplaire d’une œuvre est traditionnellement admis comme étant un objet corporel.

Le second argument réside dans la dichotomie qu’opère la directive DADVSI entre la vente d’un exemplaire physique d’une œuvre et la transmission en ligne d’une œuvre. La première est une vente alors que la seconde est une prestation de service [48]. L’exemplaire intégré à un support physique sera soumis à l’épuisement de droits quand l’exemplaire téléchargé ne le sera pas.

Ainsi, l’auteur commencerait alors à se voir accordé un début de contrôle de l’utilisation de l’œuvre par l’extinction du droit de propriété du consommateur sur l’exemplaire devenu immatériel. Mais ce début de contrôle ne s’exercerait qu’au titre d’un service : la mise à disposition d’une oeuvre, ce qui ne nous fait pas avancer puisque l’on en revient à notre hypothèse de départ à savoir le droit d’utilisation a pour fondement un service.

Conclusion

Les mesures techniques de protection des œuvres ouvrent de nouvelles problématiques juridiques. Et s’il faut se garder de construire à la hâte de nouvelles théories juridiques, une réflexion sur les nouveaux biens culturels, techniquement protégés, paraît souhaitable.

Il est vrai, que les changements de consommation des œuvres et le paiement à l’usage peuvent apparaître comme relevant de la science fiction. D’abord, parce que le changement des habitudes des consommateurs sera long : on ne passe pas si facilement de l’achat d’un disque au paiement à l’écoute d’une chanson. D’autant que ces derniers temps, sur les réseaux, s’est développée une certaine culture de la gratuité. Ensuite, et surtout, parce que les mesures techniques font l’objet d’une course technique entre les industriels et les pirates qui jusque là trouvent rapidement la solution à toutes les épreuves qui leur sont imposées [49]. Enfin, le développement de cette économie de l’usage repose pour une large part sur le développement de l’équipement des consommateurs et notamment de l’Internet haut débit. Actuellement force est de constater qu’il existe une inadéquation entre les services proposés et les infrastructures qui les véhiculent.

Cependant, malgré toutes ces imperfections techniques, les textes traitant de la protection juridique des dispositifs techniques existent. La sanction de leur détournement et le débordement des prérogatives du titulaire de droit d’auteur, droits voisins ou droit sui generis qu’elle crée méritent d’être considérés. Notamment parce que ces nouvelles figures dans le paysage du droit d’auteur bénéficient aux titulaires de droits d’auteur, aux prestataires de services qui auront les moyens de financer le recours aux mesures techniques, et non à l’auteur.

Au-delà de l’apparition de nouvelles facultés que l’on a évoquées, il convient de relever qu’un écart se creuse entre la diffusion en ligne des œuvres et celle qui utilise les modèles habituels basés sur les exemplaires physiques d’une œuvre. La mise à disposition d’un exemplaire physique d’une œuvre est considérée comme une vente quand la mise à disposition du même exemplaire dématérialisé par les réseaux est une prestation de service. De même, l’épuisement des droits qui existe dans le monde physique ne joue pas sur les réseaux qui vont jusqu’à ignorer le jeu des exceptions aux droits d’auteur en cas de service à la demande au lieu et temps choisis par le consommateur.

Finalement, le phénomène du passage d’une économie fondée sur la propriété à une économie de service, décrit par Jeremy Rifkin, semble suivi par le droit en matière de nouveaux biens culturels : sur les réseaux, le service est omniprésent.


[1] Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, J.O.C.E., 22 juin 2001, L 167/10. Voir les commentaires de C.Caron « la nouvelle directive du 9 avril 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société dé l’information ou les ambitions limitées du législateur européen » com.com.elec. mai 2001 p.20s. et L.Costes « droit d’auteur et Internet : nouvelles exigences et mise en œuvre de la directive européenne » Bulletin Lamy droit de l’informatique et des réseaux n°138 ; se repporter aussi au numéro spécial de Propriétés Intellectuelles n°2, janvier 2002.

[2] <www.loc.gov/copyright/legislation/dmca.pdf>.

[3] Une version non officielle de l’avant-projet du 4 avril 2003 qui aurait été soumis au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique a été publiée sur le site de l’EUCD : < http://www.ael.be/action/2003/eucd/france/text >.Dans les développements qui suivront on n’envisagera ce texte que d’une manière très succincte compte tenu des modifications qu’il aura probablement rencontré.

[4] On n’entrera pas ici dans la description des multiples dispositifs techniques. Sur ce point, on renverra avec profit notamment à l’article de S. Dussolier et A. Strowel « la protection légale des systèmes techniques », Propriétés intellectuelles n° 1 octobre 2001, p.10 s., et au rapport de l’unité STOA du parlement européen , « technologies de sécurité pour les médias digitaux » disponible à l’adresse <http://www.europarl.eu.int/stoa/publi/pdf/00-06-01_fr.pdf>.

[5] Voir F.SARDAIN « Repenser la copie privée des créations numériques » JCP E 2003, n°15, étude n°584 p.646 et s., spécialement n°23.

[6] J.-C. Ginsburg , “From having copies to experiencing work : the development of an access right in copyright law” , <http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=222493>.

[7] J. Rifkin , L’âge de l’accès: la révolution de la nouvelle économie , La découverte coll. cahiers libres, 2000.

[8] Ce terme d’expérience est plus évocateur pour les anglo-saxons puisque le verbe to experience permet de faire référence au fait d’écouter un disque, de voir un film, d’assister à un spectacle, de « ressentir» une œuvre.

[9] Voir par exemple le site Netciné sur <www.netcine.com> qui propose soit de visionner un film une seule fois en streaming, soit d’en acquérir un exemplaire d’une œuvre par téléchargement à un prix supérieur.

[10] Voir les offres des sites Music.net, qui regroupe Warner, BMG, EMI Universal et Zomba, et Press Play qui intègre Sony, Universal BMG et ZOMBA.

[11] Ce qui a pu être résumé dans la formule : « the play button will be the pay button », K.J.Koelman, “The protection of technological measures vs. the copyright limitations”, congrès de l’ALAI de New York 2001. Tous les articles issus de ce congrès sont disponibles en ligne : <http://www.law.columbia.edu/conferences/2001/0_entrance_fr.htm>.

[12] M. Matson « protection des œuvres numériques- Droit d’utilisation versus droit d’auteur », I E E E Canadian Review, Summer / Été 1999 disponible à l’adresse <http://www.ewh.ieee.org/reg/7/www_lark/publ/canrev/canrev32/matson_fr.pdf> cité par B. Warusfel, La propriété intellectuelle et l’Internet, Flammarion coll. Dominos, p. 63.

[13] Lire celles de C.N’Guyen Duc Long « la numérisation des œuvres » Thèse publiée aux éditions Litec-IRPI 2001, n°267 p.153.

[14] Sur ces « prérogatives » on renverra à la liste de l’article L. 122-5° du Code de la propriété intellectuelle.

[15] Même si elles ne sont, pour la plupart, que des concessions de l’auteur au public ; v. en ce sens A. Lucas (art. cité en note 22). Pourtant la directive DADVSI en en forçant l’Etat à intervenir pour garantir certaines aurait fait d’elles des droits : J. Passa, « la directive du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information », JCP G I, n°331, p.1261s. Cependant, dans le cas de l’exception de copie privée, l’intervention de l’Etat n’étant que facultative on peut penser que cette limitation au droit d’auteur n’est pas considérée par le législateur communautaire un droit du public.

[16] Cette condition préalable à la mise à disposition du film existe déjà. Voir l’exemple des conditions générale de la Sightsound.com donné par C.-E. Renault, « le droit du cinéma à l’épreuve de l’internet », Légipresse 2001, n° 184, p.113s. ; spécialement p.118.

[17] Ces exceptions sont celles visées à l’art 5.2 a) lareprographie moyennant une compensation équitable c) reproductions effectuées par les bibliothèques, des établissements d’enseignement et musées d)S’il s’agit d’enregistrement d’œuvres effectués par des organismes de radiodiffusion pour leurs émissions ; on peut conserver ces enregistrements à des fins d’archivage, si elles ont une valeur documentaire exceptionnelle e)Les reproductions d’émissions faites par des institutions sociales sans but lucratif : hôpitaux ou prison si compensation équitable. Et celles visées par l’art. 5.3 a) les utilisations à des fins d’illustration dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche scientifique, à condition que le but recherché soit non commercial et la source non mentionnée. b) les utilisations au bénéfice de handicapés si elles sont liées au handicap et non commerciales e) les utilisations à des fins de sécurité publique ou pour assurer le bon déroulement des procédures administrative, parlementaire ou judiciaire..

[18] Selon la version non officielle de l’avant-projet de loi relatif au droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, précitée en note 3, la copie privée serait conservée et protégée par l’Etat français ; le nombre de copie pouvant être limité par les titulaires de droits. En effet, l’article 8 prévoit que les mesures techniques de protection des oeuvres « doivent (…) permettre aux bénéficiaires des exceptions définies aux 2 ème[copie privée] de l’article L122-5 (…) d'en bénéficier lorsqu'ils ont un accès licite à l’œuvre». Mais, si le titulaire de droits décide de passer outre cette disposition et empêche la copie privée de son œuvre, l’Etat interviendra en faveur de la copie privée par le biais d’un collège de médiateurs. Ce dernier devra trancher les litiges entre les ayants droits et les bénéficiaires d’exception. Ainsi, l’exercice de l’exception se complique car le détournement de la mesure technique qui bloquerait l’exercice de l’exception n’est pas autorisé. Il faudra se tourner vers ce collège, pour lui demander de forcer le titulaire à permettre l’exception.

[19] Cette disposition est reprise par l’article 8 de l’avant projet de loi non officiel du 4 avril 2003. Si cette disposition était maintenue dans la loi à venir, on assisterait à une contractualisation des exceptions dans le cadre des services à la demande. Par exemple, pour voir un film à une heure choisie il faudrait s’interdire contractuellement à capturer le flux d’information qui nous sera envoyé lors de la diffusion on line.

[20] Le considérant 33 de la directive parle de « service interactif à la demande et ce de telle manière que le public puisse avoir accès à des œuvres ou à d’autres objets dans un endroit et à un moment choisis par lui. »

[21] P. Kamina « Le livre numérique » communication commerce électronique , décembre 2000, p.10 s. n°14.

[22] Il sera fondé dans cette demande puisque lors de la diffusion en streaming d’un film, effectuée à la demande de l’utilisateur, il n’est pas tenu d’ôter les mesures techniques pour permettre la copie privée.

[23] J. Devèze , J. Fraysinet et A. Lucas, Droit de l’informatique et de l’Internet, Presses Universitaires de France coll. Thémis, 1 ère éd., n° 748.

[24] On ne se situe pas dans la définition de la Cour de cassation du contrat d’entreprise qui considère que : « Le contrat qui porte non sur des choses déterminées à l’avance mais sur un travail spécifique destiné à répondre au besoin du donneur d’ordre ne constitue pas un contrat de vente mais un contrat d’entreprise » civ.1 ère, 14 décembre 1999, Bull. I n° 340, à rapprocher de com., 3 janv.1995, JCP I, n° 3880, note Labarthe.

[25] A. Lucas « Le droit d’auteur et les mesures techniques », rapport général sur le droit d’auteur et les protections techniques in le droit d’auteur en cyberspace, journées d’études Amsterdam, 4-8 juin 1996, ALAI, Otto Cramwinkel, 1997, p.348 s.

[26] Toutefois certains s’interrogent sur le fait de savoir si ces mesures techniques n’iraient pas contre le droit du public à la copie privée (E. Wéry, « les CD musicaux bientôt protégés, et la copie privée ? », D&NT, <http://www.droit-technologie.org/1_2.asp?actu_id=470&motcle=CD+et+copie+privée&mode=motamot>). Or, on peut douter qu’il s’agisse là d’un droit du public, voir par ex. G.Verken « Mesures Techniques et copie privéé : round 1 ? » Légipresse 2003 n°198, p.17. De plus rien n’empêche le public d’en disposer par contrat lors de l’achat du CD.

[27] Cette copie pourrait paraître contestable (en ce sens J. C.Ginsburg et Y. Gaubiac, « L’avenir de la copie privée numérique en Europe », Communication commerce électronique, janvier 2000, p. 9), mais rien ne semble interdire une telle copie du CD par secundus, dès lors qu’il effectue lui même la copie et qu’il la conserve pour son usage personnel. En effet, la loi ne précise pas que le copiste doive être propriétaire de l’original ; les auteurs précités le concèdent même s’ils estiment que cela ne se justifie plus dans le monde numérique.

[28] L’article 6.1 de la directive prévoit la protection juridique contre le « contournement des mesures techniques efficaces que la personne peut effectuer en sachant , ou en ayant des raisons valables de penser qu’elle poursuit cet objectif. » Les mesures techniques se définissant selon l’article 6.3 comme : « toute technologie, dispositif ou composant qui dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui, concerne les œuvres ou autre objet les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur, ou du droit sui generis. »

[29] L’avant-projet non officiel de loi relatif au droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information prévoit d’assimiler à une contrefaçon le détournement des mesures techniques de protection d’une œuvre. En effet, son article 12 énonce qu’« Est assimilé à un délit de contrefaçon (…) le fait pour une personne de porter atteinte, en connaissance de cause, ou en ayant des raisons valables de penser porter atteinte, à toute mesure technique visée à l’article L331-5 du présent code portant sur l’œuvre ou au fonctionnement d’une telle mesure technique. »

[30] En suivant l’article 9 de l’avant-projet de loi, secundus devra s’adresser au comité de médiateur et lui demander de forcer le titulaire de droits à autoriser l’exercice de son exception.

[31] On se permettra de reprendre la synthèse et traduction du texte faite par le professeur Strowel dans l’article « Droit d’auteur et accès à l’information : de quelques vrais problèmes à travers l’histoire et les développements récents » in Le droit d’auteur : un contrôle de l’accès aux œuvres ?, Cahier du CRID, n° 18, p. 5 s.

[32] J.-C.Ginsburg, “From having copies to experiencing work”, précité, p.12.

[33] P.Sirinelli, « L’étendue de l’interdiction de contournement des dispositifs techniques de protection des droits et les exceptions aux droit d’auteur et droits voisins », Congrès de New York de l’ALAI, journées du 13 au 17 juin 2001 : régimes complémentaires et concurrentiels au droit d’auteur, <http://www.law.columbia.edu/conferences/2001/0_entrance_fr.htm>.

[34] J. De Werra, « Le régime juridique des mesures techniques de protection des œuvres selon les traités de l’OMPI, le DMCA, les directives européennes et d’autres législations », congrès de New York de l’ALAI journées du 13 au 17 juin 2001 précité <http://www.law.columbia.edu/conferences/2001/0_entrance_fr.htm>.

[35] Ibidem, J. De Werra explique que du fait de l’interdiction de la commercialisation des dispositifs de contournement des protections techniques, le bénéficiaire d’exceptions est titulaire d’un droit d’ouvrir la porte de la pièce dans laquelle l’œuvre est située, mais aucun serrurier n’a le droit ni de lui vendre, ni de donner la clé qui lui permettrait d’ouvrir la porte.

[36] L’avant-projet de loi non officiel du 4 avril 2003 reprend le principe d’interdiction des activités préparatoires au contournement des dispositifs techniques.

[37] Par titulaire de droits on entend titulaire de droits d’auteur, de droits voisins ou du droit sui generis de base de données.

[38] Dans le même sens, l’avant-projet du 4 avril 2003 de transposition de la directive assimile à une contrefaçon toute atteinte en connaissance de cause à un dispositif technique efficace, destinée à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire de droits (article 7 et 12).

[39] Reste à savoir ce qu’est une mesure efficace puisque, comme l’évoque le rapporteur français au congrès de l’ALAI de New York, A. Latreille, est « présumée efficace toute mesure efficace » qui permet le contrôle de l’utilisation de l’œuvre.

[40] M. Buydens et S. Dusollier , « Les exceptions au droit d’auteur dans l’environnement numérique : évolutions dangereuses » , Communication commerce électronique, septembre 2001, p. 10 s.

[41] S. Dusollier, « Incidences et réalités d’un droit de contrôler l’accès aux œuvres en droit européen » in Le droit d’auteur: un contrôle de l’accès aux œuvres ?, Cahier du CRID, n° 18, p. 25 s. spéc. p.45.

[42] Directive 98/84/CE du Parlement européen et du conseil du 20 novembre 1998 concernant la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel, JO n° L 320 du 28/11/1998, p. 0054-0057.

[43] En France cette intervention serait, selon les termes de l’avant-projet de loi du 4 avril 2003, déléguée au comité de médiateur (voir note 18).

[44] P. Sirinelli, Lamy droit de la communication, n° 121-30.

[45] En effet, le droit de destination n’est plus très prisé v. par ex. : A. Lebois « le droit de location et la structure des droits patrimoniaux : la théorie du droit de destination bousculée », Dalloz 2002, n° 29 p. 2322s.

[46] Si l’on estime avec les professeurs Zénati et Revet que « les biens sont les choses qu’il est utile et possible de s’approprier », Les biens, Presses universitaires de France, 2 ème éd. p. 13.

[47] Certes, un arrêt a été rendu à propos de fichiers midi sur le fondement du droit commun de la vente. Il n’en reste pas moins qu’il visait un bien incorporel : les droits d’édition attachés à ces fichiers qui devaient être exploités comme des œuvres classiques (CA Paris , 16 juin 2000 : Communication commerce électronique, décembre 2000, p.19, note C.Caron).

[48] Ainsi le considérant 29 de la directive énonce que « la question de l’épuisement du droit ne se pose pas dans le cas des services (…) Contrairement aux CD-ROM et aux CD-I, pour lesquels la propriété intellectuelle est incorporée dans un support physique, à savoir une marchandise, tout service en ligne constitue en fait un acte devant être soumis à autorisation dès lors que le droit d’auteur ou le droit voisin en dispose ainsi. »

[49] Le meilleur exemple fût donné en novembre 2000 par le hack, en quelques semaines, des techniques de cryptographie du SDMI ( Secure Digital Music Initiative ) consortium regroupant des entreprises des technologies de l’informatique, maisons de disques et entreprises de sécurité informatique notamment.