JCP E 2004, 1101
Thierry MAILLARD
Première publication : 22 juillet 2004.
Article reproduit avec l'aimable autorisation des Editions du Juris-Classeur.
Note: Les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives à la copie privée sont traditionnellement invoquées comme moyen de défense dans un procès en contrefaçon. Dès lors que la reproduction de l’objet protégé est strictement réservée à l’usage privé du copiste et non destinée à une utilisation collective, le titulaire de droit ne peut faire sanctionner l’atteinte au droit exclusif que lui reconnaît la loi d’autoriser ou d’interdire la reproduction de l’objet protégé. Mais qu’en est-il lorsque l’interdiction est matérialisée au moyen d’une mesure technique de protection empêchant a priori la réalisation de copies, y compris celles destinées à l’usage privé du copiste ? Les articles L. 122-5 et L. 211-3 du CPI peuvent-ils être invoqués de façon positive en vue d’obtenir la suppression d’un dispositif anti-copie ? C’est à ces questions que s’est efforcé de répondre le Tribunal de grande instance de Paris dans un jugement rendu le 30 avril dernier, quelques semaines seulement avant que la loi de transposition de la directive du 22 mai 2001 n’introduise dans le CPI des dispositions très protectrices des mesures techniques [1]. La décision n’est pas tant remarquable par la solution adoptée que par la méthode d’interprétation employée. C’est en effet la première fois – mais, assurément, pas la dernière – que le juge français recourt au « test en trois étapes » pour définir la portée d’une exception aux droits exclusifs. Au-delà, le jugement apparaît comme une véritable application avant l’heure des futures dispositions du CPI relatives à la protection des mesures techniques.
L’espèce est tout à fait inédite ; pour la première fois, un juge est appelé à se prononcer sur la licéité même du recours à une mesure technique de protection entravant l’exercice d’une exception [2]. Se fondant sur une interprétation (très) littérale des articles L. 122-5 et L. 211-3 [3], les demandeurs demandaient que soit fait interdiction aux titulaires de droits de recourir à une mesure technique faisant obstacle à l’exercice du « droit à la copie privée ». Ne pouvant s’appuyer sur les dispositions non encore adoptées du projet de loi, le Tribunal a, pour débouter les demandeurs, raisonné avec les moyens du bord, en s’efforçant de préciser la nature et la portée de l’exception de copie privée.
La démarche est pertinente. La question de la licéité du recours à une mesure technique anti-copie est en effet avant tout liée à celle de la nature – exception ou droit subjectif – de l’ « exception » de copie privée : la mise en place d’une mesure technique anti-copie n’est contestable que dès lors que l’on reconnaît que celle-ci peut être invoquée autrement que comme moyen de défense [4]. Pour réfuter l’argument de l’existence d’un droit à la copie privée – et donc admettre le bien-fondé du recours à la mesure technique –, le Tribunal se réfère à l’intention du législateur de 1957 et 1985 : l’analyse est des plus classiques [5] – quoique, en l’espèce, développée à la limite de la pétition de principe – et n’appelle pas de larges commentaires. Plus singulièrement, le Tribunal choisit de conforter son analyse en examinant les dispositions du CPI à la lumière de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, prochainement transposée.
Le commentaire du Tribunal est sur ce point très inégal, notamment en ce qu’il tire argument du caractère facultatif de l’introduction en droit interne des exceptions énumérées aux articles 5.2 et 5.3 pour démontrer que l’exception de copie privée n’a aucun caractère impératif. Or, ces articles ne présagent en rien de la nature des exceptions ou limitations prévues en droit interne ; le fait qu’ils n’imposent pas l’adoption d’une exception n’implique pas que l’État qui l’adopte ou la maintient ne puisse y attacher un caractère impératif : l’article 5 de la directive ne reconnaît pas de « droit à la copie privée », mais il ne paraît pas davantage l’exclure [6]. Le dispositif de l’article 6.4, mentionné dans un second temps par le Tribunal, semble à ce titre beaucoup plus décisif. Cet article pose le principe d’un mécanisme de « garantie » des exceptions – impératif pour certaines (art. 6.4, §1), facultatif pour la copie privée (art. 6.4 §2) – que les États sont tenus de mettre en œuvre lorsqu’une mesure technique fait obstacle au bénéfice effectif de l’exception et que les titulaires de droits n’ont pris pas pris de mesure, dans un délai raisonnable, pour y remédier. S’il n’est pas évident que l’on puisse inférer quoi que ce soit de l’existence de ce « mécanisme facultatif de garantie » applicable à la copie privée, il est en tout cas clair à la lecture du dispositif de la directive qu’est posé un principe de primauté des mesures techniques de protection et que l’exception de copie privée ne peut être invoquée pour faire interdire le recours à ce type de mesure [7]. Le bénéficiaire de l’exception de copie privée peut tout au plus – et encore faudrait-il que l’État ait choisi de prendre des mesures appropriées à cet égard – demander à ce que lui soit rendu possible le bénéfice effectif de l’exception.
Étonnamment, le Tribunal, qui se prononce clairement contre la reconnaissance d’un droit à la copie privée – et admet la possibilité de recourir au dispositif anti-copie –, juge nécessaire de procéder à l’examen de la portée de l’exception [8]. Sans doute s’agit-il là d’un examen à titre subsidiaire ; c’est en tout cas l’interprétation que l’on retiendra dans un premier temps.
En l’espèce, les prétentions des demandeurs se fondaient – comme pour l’analyse de la nature – sur une interprétation littérale des articles L. 122-5 et L. 211-3, qui ne précisent rien quant aux modes de reproductions autorisés. Or, là où la loi ne distingue pas, l’interprète ne doit pas distinguer : dès lors ne leur paraissait-il pas justifié d’exclure la copie privée numérique du champ d’application du « droit à la copie privée », ni de restreindre le bénéfice de l’exception aux seuls actes de reproduction non interdits par une mesure technique [9]. A nouveau, le Tribunal renvoie à l’intention du législateur et relève que « les dates auxquelles ces dispositions ont été adoptées (1957 et 1985) excluent que le législateur ait pu prendre en considération la démultiplication récente des supports sur lesquels une œuvre peut être reproduite et les procédés techniques de protection susceptibles de faire obstacle à leur reproduction ». L’analyse aurait sans doute été suffisante.
Le Tribunal juge cependant utile de se reporter aux dispositions de la Convention de Berne pour préciser la portée de l’exception, dans la mesure où « la loi du 3 juillet 1985 (…) a été adoptée en conformité aux dispositions de la Convention de Berne et plus spécialement de l’acte de Paris portant révision de cette dernière ». Il vise plus particulièrement l’article 9.2, qui réserve aux pays de l’Union la faculté de permettre la reproduction des oeuvres dans certains cas spéciaux (première condition), pourvu qu’une telle reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre (deuxième condition) ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur (troisième condition). Introduites à l’occasion des « révisions jumelles » de Stockholm (1967) et de Paris (1971), ces conditions cumulatives – connues sous le nom de « test en trois étapes » – constituent aujourd’hui la « norme de référence incontournable » [10] en matière d’exceptions aux droits de propriété littéraire et artistique [11]. Reprises et étendues par l’accord sur les ADPIC et les Traités OMPI, ces conditions font aujourd’hui également partie de l’acquis communautaire et sont notamment mentionnées à l’article 5.5 de la directive de 2001, également visé par le Tribunal [12]. L’analyse du Tribunal n’étant pas des plus détaillées, on l’éclairera, en tant que de besoin, en se référant au très complet rapport du Groupe spécial de l’OMC du 15 juin 2000, seule décision rendue à ce jour qui mette en œuvre le test en trois étapes [13].
Le Tribunal passe rapidement sur la première condition, considérant apparemment – conformément à l’analyse des rédacteurs du projet de loi DADVSI [14]– que les articles L. 122-5 et L. 211-3 visent d’ores et déjà certains cas spéciaux [15]. La première condition étant remplie, le Tribunal étudie la seconde et – procédant méthodiquement – recherche d’abord quelles formes d’exploitation participent en l’espèce de l’exploitation normale de l’œuvre, avant de se demander si l’utilisation en cause y porte atteinte.
Après avoir rappelé que « la vente de DVD de films (…) génère des recettes indispensables à l’équilibre budgétaire de la production », le Tribunal relève que « l’exploitation commerciale d’un film sous la forme d’un DVD constitue un mode d’exploitation de nombreuses œuvres audiovisuelles si bien qu’il n’est pas contestable que ce mode fait partie d’une exploitation normale de ces œuvres. » Le périmètre de l’exploitation normale ainsi défini, le Tribunal conclut que « la copie d’une œuvre filmographique éditée sur support numérique ne peut (…) que porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. » L’analyse du Tribunal n’est pas des plus limpides et l’on peut regretter qu’il n’ait pas davantage explicité la notion d’ « exploitation normale ». Le rapport du Groupe spécial de l’OMC apporte sur ce point un éclairage des plus précieux.
Selon le Groupe spécial, l’exploitation normale recouvre non seulement les formes d’exploitation qui génèrent actuellement des recettes significatives ou tangibles (approche dite empirique), mais également celles « qui, avec un certain degré de probabilité et de plausibilité, pourraient revêtir une importance économique ou pratique considérable » (approche dite dynamique ou normative). Il considère qu’il est porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre si des utilisations, qui sont en principe soumises au droit exclusif mais bénéficient de l’exception, font concurrence aux moyens, réels ou potentiels, par lesquels les titulaires de droits tirent normalement une valeur économique de leurs droits [16].
L’approche retenue en l’espèce est manifestement empirique. C’est en effet en considération des formes d’exploitation qui génèrent actuellement des « recettes indispensables à l’équilibre budgétaire de la production » que le Tribunal affirme que l’utilisation en cause porte atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. Est-il cependant justifié, dans le cas présent, de considérer que la « copie d’une œuvre filmographique éditée sur support numérique » – strictement réservée à l’usage du copiste – fait concurrence aux moyens par lesquels les titulaires de droits exploitent commercialement un film sous la forme d’un DVD ? Il ne ressort pas de l’exposé des faits que la mesure technique mise en place par les titulaires de droits sur le DVD leur permette de percevoir une rémunération au titre des actes de reproduction privés. Il ne semble dès lors pas légitime de considérer que, en l’espèce, l’utilisation en cause porte atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre [17]. Il faut cependant relever que, incidemment, le Tribunal mentionne le fait que l’utilisateur entendait faire des copies réalisées un « usage élargi au cercle familial ». Sans doute s’agissait-il, peu ou prou, de permettre à chaque membre du foyer de visionner le DVD au moment de son choix, sur son propre matériel (ordinateur, lecteur portatif …). L’hypothèse est dès lors légèrement différente puisque les titulaires peuvent faire valoir que la vente de plusieurs exemplaires dans un même foyer fait partie intégrante de l’exploitation normale de l’œuvre et que, de ce fait, la reproduction privée pour un usage élargi au cercle familial y porte atteinte. L’argumentation n’est pas des plus heureuses ; comme le note à juste titre Jane Ginsburg, une analyse essentiellement économique – comme c’est le cas – de la deuxième condition du test en trois étapes pourrait « s’avérer trop rigide si elle avait pour résultat de proscrire totalement l’exception concernée, au lieu de renvoyer à la troisième étape dont le critère est lui plus conciliatoire » [18]. En tout état de cause, il semble que le Tribunal ne pousse pas l’analyse très loin et qu’il se contente de mettre en balance d’une part les recettes générées par la vente de DVD, d’autre part la gratuité des copies réalisées à titre privé, pour caractériser l’atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. L’argumentation n’est pas convaincante. Une approche dynamique, visant également les formes d’exploitation qui, « avec un certain degré de probabilité et de plausibilité », sont susceptibles de prendre une importance économique ou pratique considérable, aurait peut-être permis d’atteindre, avec davantage de rigueur, le même résultat. Encore eût-il fallu que les défendeurs caractérisent ces formes d’exploitation qui ont vocation à s’agréger à l’exploitation normale de l’œuvre, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Le Tribunal ayant conclu que l’utilisation en cause portait atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, il aurait pu – les trois conditions étant cumulatives – faire l’économie de l’examen de la dernière condition. Il poursuit cependant en relevant que « cette atteinte sera nécessairement grave – au sens des critères retenus par la Convention de Berne – car elle affectera un mode d’exploitation essentielle de ladite œuvre, indispensable à l’amortissement de ses coûts » Il s’agit là d’une interprétation très partielle de la notion de « préjudice injustifié ». Il n’est en effet pas déterminant que l’atteinte soit grave ; il faut encore que le préjudice causé aux intérêts du titulaire de droits soit injustifié. Selon le Groupe spécial de l’OMC, c’est le lucrum cessans, avéré ou potentiel, qui définit le préjudice [19]. Même grave, le préjudice ne semble pas injustifié dès lors que les utilisations couvertes par l’exception donnent lieu à une rémunération [20]. Or, le Tribunal rappelle précisément que « la loi du 3 juillet 1985 qui a instauré une rémunération forfaitaire de copie privée sur, sauf exception, tous les supports vierges (…), a été adoptée en conformité aux dispositions de la Convention de Berne. » Il aurait dès lors été souhaitable que le Tribunal précise son analyse.
Il est en fait probable que ce qui sous-tend la solution du Tribunal est la prise en considération du préjudice causé par la contrefaçon : la première source d’alimentation des réseaux de peer-to-peer en films est la copie de DVD et il n’est pas contestable que les échanges non autorisés qui s’y tiennent causent un préjudice grave et injustifié aux titulaires de droits. Cependant, le test en trois étapes n’a pas vocation à s’appliquer aux actes de contrefaçon. On pourrait être tenté de défendre une interprétation extensive de la notion de préjudice, qui inclurait le préjudice indirect causé par les actes de contrefaçon réalisés sous le couvert d’une exception : on voit cependant difficilement quelle exception pourrait, dans ces conditions, survivre au test en trois étapes.
Singulièrement, le Tribunal termine sa démonstration en concluant que, dès lors qu’est constatée l’atteinte grave à l’exploitation normale de l’œuvre, « le dispositif de protection dont est doté le DVD (…) n’apparaît (…) pas réaliser une violation des articles L. 122-5 et L. 211-3 » du CPI: le Tribunal infère de la non conformité de l’utilisation considérée au test en trois étapes la non violation de ces articles. Doit-on comprendre a contrario que la conformité au test en trois étapes aurait justifié la condamnation des défendeurs et l’interdiction de la mesure technique ? Autrement dit, la conformité d’une exception au test en trois étapes confère-t-elle un caractère impératif à l’exception ? La solution est critiquable : le test en trois étapes n’a vocation à être mis en œuvre que pour apprécier la portée d’une exception ou limitation aux droits exclusifs ; il ne présage en rien de sa nature. En vérité, il n’est pas exclu qu’à trop s’approcher des lumières de la directive le Tribunal en soit venu à appliquer avant l’heure les dispositions du projet de loi DADVSI relatives aux mesures techniques de protection. Celles-ci prévoient en effet – en transposition de l’article 6.4 – qu’un « Collège des médiateurs » pourra, à certaines conditions, enjoindre aux titulaires de droits utilisant une mesure technique de protection de permettre le bénéfice effectif de l’exception de copie privée [21]. Le Collège des médiateurs devra apprécier la portée de l’exception au regard du test en trois étapes d’abord pour s’assurer que l’utilisateur peut légitimement invoquer le bénéfice de l’exception, ensuite pour déterminer si la mesure technique de protection fait réellement obstacle au bénéfice effectif de l’exception. Il est tentant de relire le jugement à la lumière de ce dispositif et de voir dans l’apparente incohérence de la démarche – examiner la portée de l’exception alors qu’est affirmée la licéité de la mesure technique – une tentative de reconstruire a priori le futur régime de protection des mesures techniques.
[1] Projet de loi AN n°1206, 12 novembre 2003, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, art. 6 à 15.
[2] V. toutefois, sur des litiges impliquant également des dispositifs anti-copie, de conception défectueuse, rendant impossible la lecture des CD protégés sur certains matériels: TGI Nanterre, 6e ch., 24 juin 2003, CLCV c/ EMI Music France ; TGI Nanterre, 6e ch., 2 septembre 2003, Françoise M. c/ EMI France, Auchan France ; TGI Paris, 4e ch., 2e sect., 2 octobre 2003, CLCV c/ BMG France.
[3] Art. L. 122-5 CPI : « lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire (…) » ; art. L. 211-3 CPI : « les bénéficiaires des droits [voisins] ne peuvent interdire (…) ». Singulièrement, ces articles n’emploient pas le terme d’ « exception ».
[4] A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique : Litec, 2e éd., 2001, n. 292, n. 315.
[5] A. et H.-J. Lucas, ibid., n. 292, n. 297. Sur la ratio legis de l’exception : A.-C. Renouard, Traité des droits d'auteur : Paris 1839, tome II, n° 19.
[6] Le fait que la directive fasse constamment référence aux exceptions et limitations – notion qui ne semble pas exclusive de celle de droit subjectif – est d’ailleurs des plus significatifs.
[7] Le considérant 39 de la directive affirme d’ailleurs sans aucune ambiguïté que la copie privée ne doit faire obstacle ni à l’utilisation de mesures techniques ni à la répression de tout acte de contournement de ces mesures techniques.
[8] Examen qui, en l’espèce, n’a de sens que si l’on reconnaît l’existence d’un droit à la copie privée.
[9] Les défendeurs considéraient qu’il était suffisant que l’utilisateur puisse « réaliser une copie privée du film sur cassette VHS et même une copie DVD puisque le film fut diffusé sur différentes chaînes de télévision ».
[10] P. Sirinelli, Exceptions et limites aux droit d’auteur et droits voisins, WCT-WPPT/IMP/1 : OMPI, Genève, déc. 1999, p. 9.
[11] S. Ricketson, Étude de l'OMPI sur les limitations et les exceptions au droit d'auteur et aux droits connexes dans l'environnement numérique, SCCR/9/7: OMPI, Genève, 5 avril 2003 ; J. Ginsburg, Vers un droit d’auteur supranational ? La décision du groupe spécial de l’OMC et les trois conditions cumulatives que doivent remplir les exceptions au droit d’auteur: RIDA, n°187, janvier 2001.
[12] Le fait que soient visées à la fois la Convention de Berne et la directive de 2001 n’est pas neutre. L’article 5.5 a un champ d’application plus large – l’ensemble des droits de propriété littéraire et artistique – que l’article 9.2 ; en outre, le test en trois étapes, tel que formulé dans la directive, semble devoir être appliqué non pas au seul stade législatif, mais également dans chaque hypothèse de mise en œuvre de l’exception. Ce double renvoi devrait logiquement se traduire par une double lecture, ce qui ne semble pas être le cas. Il est en fait probable que la Convention de Berne ne soit invoquée que pour asseoir le recours au test en trois étapes sur une base légale moins vaporeuse que celle offerte par la seule « lumière de la directive ».
[13] Rapport du Groupe spécial "Etats-Unis – Article 110 5) de la Loi sur le droit d'auteur", WT/DS160/R, 15 juin 2000. V. Y. Gaubiac, Les exceptions au droit d'auteur: un nouvel avenir: Com. com. électr. jan. 2000, chron. n°1 ; J. Ginsburg, op. cit. ; S. Ricketson, op. cit.. Bien que ces conclusions ne lient pas le juge national il est très probable – de l’avis de ces commentateurs – qu’elles auront une grande influence sur l’interprétation du test en trois étapes en droit interne.
[14] Le projet de loi prévoit d’introduire le test en trois étapes aux articles L. 122- 5, L. 211-3 et L. 342-3. Les deux dernières conditions du test en trois étapes apparaissent explicitement ; la première condition n’est présente qu’en filigrane, dans le renvoi fait aux exceptions énumérées par ces articles.
[15] Comp. Rapport du Groupe spécial, § 6.112, p. 34 (« la première condition (..) exige qu'une limitation ou exception prévue dans la législation nationale soit clairement définie et ait une portée et étendue restreintes. »).
[16] Rapport du Groupe spécial, § 6.183, pp. 48-49.
[17] Il en serait autrement si le film était diffusé dans le cadre d’un service de vidéo à la demande : si chaque visionnage du film donne lieu à la perception d’une rémunération, il est probable que la copie à usage privée porte atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. De la même façon, s’il s’était agi de l’un de ces DVD « jetables » – devenant inutilisables quelques heures après avoir été sortis de leur emballage – récemment commercialisés (à un prix sensiblement plus bas que les DVD classiques), l’analyse aurait différé : la copie privée d’un DVD jetable ayant pour effet d’annihiler le caractère « consomptible » du produit, il est vraisemblable que l’atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre serait également caractérisée.
[18] J. Ginsburg, op. cit., p. 50.
[19] Rapport du Groupe spécial, § 6.229, p. 60.
[20] S. Ricketson, op. cit., p. 30; J. Ginsburg, op. cit., p. 34, p. 52.
[21] T. Maillard, La réception des mesures techniques de protection des œuvres en droit français : Commentaire du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information : Légipresse 2004, n°208, II, p. 8.